Carnet de confinement #3

La taille

On dit qu’une hirondelle doit pouvoir voler en son cœur sans toucher des ailes. La taille de l’olivier est un exercice à la fois délicat et brutal. Délicat, parce qu’il faut savoir choisir les bonnes branches que l’on va couper. Brutal, parce que lorsqu’on taille tous les deux ans, cela s’apparente souvent à une véritable boucherie de rameaux, de brindilles et de feuilles.

Oliviers

Il se trouve que ma dernière intervention sur les six spécimens d’oléacées qui résident dans mon petit jardin date de 2018. Il y a quelques jours, profitant donc de la période de confinement, j’ai entrepris de me mettre à l’ouvrage. Au programme ? Un bon bol d’air frais, un contact charnel avec le bois noble de ces si beaux arbres et bien sur un peu d’exercice. Grimper, garder l’équilibre, couper, cisailler, scier, nettoyer…

Le résultat semblait satisfaisant. Pourtant c’est avec un petit pincement au cœur que j’ai rangé mes modestes outils. Instruments de torture végétale. Des branches mortes, j’en ai retirées quelques unes. Néanmoins, j’ai du me résoudre, le plus parcimonieusement possible, à éclaircir les cimes. A chaque jeune pousse qui laissait une légère coulée verte de sève printanière sur les lames de ma cisaille, je ne pouvais m’empêcher d’avoir une forme d’empathie pour cet arbre que j’amputais par petits bouts.

J’ai alors pensé à tous ceux avec qui je travaille au quotidien. Tous ces entrepreneurs qui décident de changer de vie. Souvent pour la retraite, parfois pour d’autres raisons, à chaque fois avec une forme de mélancolie. Ce sentiment de renoncer à une partie de soi, mais pour mieux en retrouver une autre. Je me suis alors rappelé que cette taille avait une raison d’être. Elle devrait me permettre de récolter de jolies olives dans huit ou neuf mois et de déguster, à l’été suivant, quelques gouttes de l’huile qu’elles produiraient sur les tomates bien charnues du potager de ma douce maman.

L’oléiculteur amateur est aussi sensible que l’entrepreneur cédant son activité. Mais ils savent, tous deux, que bien anticipées, la taille comme la cession produiront de meilleurs fruits.

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